Les sans-papiers privés d'amour :: Le Courrier :: Quotidien suisse indépendant
Paru le Mardi 26 Mai 2009
MICHEL SCHWERI
Suisse DISCRIMINATION - Le droit de la famille sera utilisé à pourchasser les étrangers résidant irrégulièrement en Suisse. Le mariage leur sera interdit.
Lundi, le Conseil des Etats a voté la loi interdisant le mariage aux personnes séjournant irrégulièrement en Suisse et a ainsi infligé un nouveau coup de canif à l'ordre constitutionnel et aux droits humains. Cette décision, déjà entérinée par le Conseil national en mars, empêchera les requérants d'asile déboutés et les travailleurs sans permis de séjour de convoler, même si l'autre conjoint est bel et bien suisse. Par analogie, la restriction s'appliquera également au partenariat enregistré. Cette brillante idée pour réduire l'immigration clandestine émane d'un élu udéciste. Mais on aurait tort de se focaliser sur ce parti dont le fonds de commerce anti-étrangers est archiconnu. Sa proposition était en effet tellement bancale – dans sa première version, elle aurait pu empêcher des ressortissants européens de se marier en Suisse – que la majorité de droite de la commission des institutions politiques l'a retouchée pour la rendre eurocompatible. Et l'a encore durcie en y ajoutant l'obligation, pour les officiers d'état-civil, de dénoncer aux autorités compétentes les sans-papiers s'annonçant pour un mariage. Sur l'ensemble des élus à Berne, il s'en est trouvé deux tiers pour soutenir cette restriction d'un droit individuel, soit bien plus que la seule députation udéciste.
Ainsi, les «fiancés qui ne sont pas citoyens suisses» devront à l'avenir établir la légalité de leur séjour dans le pays. Et plutôt deux fois qu'une. Ils devront prouver leur droit à vivre en Suisse durant la préparation du mariage, mais encore juste avant la célébration, histoire de s'assurer que leur visa et autres documents sont toujours valables. Et si un étranger en situation irrégulière s'annonce à un mariage, il devra alors quitter la Suisse durant sa procédure de régularisation. Le droit de la famille deviendra ainsi une annexe de la politique migratoire restrictive appliquée par la Suisse.
En face, l'opposition a refusé d'entrer en matière. Une discrimination fondée sur l'origine nationale serait en effet inconstitutionnelle, a fait valoir une socialiste. Tandis qu'un vert est remonté à l'origine du phénomène des travailleurs sans statut légal dont le marché du travail helvétique est pourtant friand pour occuper des emplois peu reluisants dans la sphère domestique. Et pallier ainsi le manque de structures d'accueil de la petite enfance ou des personnes âgées.
Les «sans-papiers» représentent la face visible de la politique discriminatoire et inégalitaire de la Suisse qui est bien d'accord d'utiliser des forces de travail pour son profit sans leurs donner la possibilité de vivre pleinement et librement. Par ses dispositions légales sur les étrangers, la Suisse crée les travailleurs clandestins et va désormais leur retirer le droit personnel et fondamental à se marier et à fonder une famille. La seule solution digne d'un Etat de droit reste la régularisation de toutes les personnes qui «font» la Suisse. I
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